Seuls des partis voulant la fin de la Belgique peuvent refuser de refédéraliser certaines compétences tout en sachant que cela créerait des gains d'efficacité et des économies d'échelle, écrit Tony Van de Calseyde.

Le 14 août 2020, le président de l'OpenVLD Egbert Lachaert a déclaré dans Terzake que, selon lui, la logique des scisssions avait atteint ses limites. Les mesures communautaires musclées qui faisaient partie de l'accord de principe entre les anciens préformateurs Paul Magnette (PS) et Bart De Wever (N-VA) étaient l'une des raisons pour lesquelles les libéraux et les Verts ne l'ont pas suivi.

Cela avait déjà été critiqué de plusieurs côtés, comme par exemple de la part des syndicats. Quelques centaines de syndicalistes ont récemment signé une lettre ouverte à leurs dirigeants, dans laquelle ils demandent à ces derniers de ne pas se laisser aller à la "split mania" (Knack.be,  14 août 2020). Sous l'impulsion de ces militants de base, Miranda Ulens et Thierry Bodson (ABVV-FGTB) ont également condamné les projets communautaires de P. Magnette et B. De Wever. Ils ont souligné que, pour eux, une nouvelle séparation entre le travail et les soins de santé ne passerait pas. Ils ont salué la recherche d'accord de Paul Magnette et Conner Rousseau, mais ont en même prévenu que ceux-ci  devraient encore convaincre (DS, 13 août 2020).

De sérieuses questions ont également été soulevées dans le monde judiciaire concernant les prétendus projets de scission de la justice. L'avocat Hugo Lamon, jusqu'il y a peu directeur de l'Orde van Vlaamse Balies, considérait déjà comme acquis que l'on passerait de 1 à 3 conseils supérieurs de justice, cours de cassation, parquets fédéraux, etc., voire 4, si l'on incluait les germanophones dans le processus (Jubel.be, 5 août 2020).

Refédéraliser

B Plus vient de publier le Pacte pour la Belgique, qui préconise un certain nombre de réformes visant à mieux faire fonctionner la Belgique, notamment en renforçant le niveau fédéral. Cette fois-ci, il a été signé par plus de 65 personnalités belges connues, issues de pratiquement tous les secteurs de la société. Nous avons souligné dans un communiqué à propos de la formation que celle que la N-VA et le PS semblaient nous préparer consistait à solder la Belgique alors que le communautaire n'avait pas été à l'ordre du jour de la campagne électorale (Bplus.be, communiqué de presse du 30 juillet 2020).

Nous savons depuis longtemps que la population n'est pasdemanderesse pour le séparatisme. Mais le communiqué de presse commun avec lequel les verts et les libéraux ont arrêté le projet de P. Magnette et B. De Wever montre qu'un discours communautaire plus modéré semble maintenant avoir trouvé sa place rue de la Loi. "Certaines compétences peuvent être régionalisées, mais d'autres peuvent être re-fédéralisées afin d'accroître l'efficacité", ont-il déclaré.  Et plus loin : "Les réformes institutionnelles sont pour nous toujours un moyen, jamais une fin en soi". Une telle opposition de principe à la poursuite de la scission est nouvelle. Si elle se poursuit,"Belgicain" l'époque où les réformes de l'État étaient purement à sens unique sera définitivement révolue.

"Belgicain"

Certains, dont le président du CD&V Joachim Coens, par exemple, utilisent immédiatement le terme péjoratif de "belgicain" devant de telles positions.  Cependant, le CD&V dit en fait la même chose. Dans les textes approuvés par le congrès du parti fin 2016 et toujours en vigueur actuellement, on lit : "Ni la poursuite de la régionalisation, ni la re-fédéralisation de certaines compétences ne doivent être un sujet tabou"(www.cdenv.be). Cela indique que le but ultime des réformes de l'État est une meilleure gouvernance, et non la fin de la Belgique. Seuls ceux qui poursuivent ce dernier objectif refuseront de restituer certaines compétences au niveau fédéral tout en sachant que cela entraînerait des gains d'efficacité ou des économies d'échelle.

Une autre observation est que les familles politiques font leur retour. Les tentatives de Bart De Wever et Paul Magnette de séparer Open VLD et MR ont échoué. Comme Groen et ECOLO, ils se sont liés l'un à l'autre et vont même tenir un congrès commun sur l'avenir.  C'est rafraîchissant. Car s'il y a une chose sur laquelle tout le monde s'accorde, c'est que l'absence de contacts structurels entre les partis de part et d'autre de la frontière linguistique rend très difficile la conclusion d'accords, notamment sur les questions institutionnelles. Seuls ceux qui ne souhaitent pas que de tels accords soient conclus peuvent s'en réjouir.

Où sont les Belges?

Le 11 septembre 2019, Knack posait la question de savoir où avaient disparus les voix pro-belges, et s'il n'y avait plus de contrepoids aux discours confédéralistes dominant le débat. D'après ce qui précède, il semble que la réaction ait depuis pris son essor et qu'elle se traduise également au niveau politique. Une nouvelle manifestation "Shame", comme celle organisée par Felix De Clercq en 2011, n'est pas encore à l'ordre du jour en raison de la pandémie de Covid-19. En ligne, nous voyons cependant apparaître ci et là quelques initiatives citoyennes, comme une pétition pour plus de reportages sur l'ensemble de la Belgique à la VRT (https://secure.avaaz.org/community_petitions/nl/?source=dohpl).

Qui ne dit mot consent

Tous les partis qui adhèrent à une idéologie universaliste devraient prendre clairement leurs distances par rapport au discours anti-belge du VB et de la N-VA, non seulement pour des raisons purement idéologiques, mais aussi parce que de cette manière, ils seraient plus en accord avec la position plus modérée de la grande majorité des électeurs sur les problèmes communautaires. Politiquement et stratégiquement, un discours pro-belge intelligent et modéré est intéressant: s'il y a un point où la N-VA et la VB proclament des choses très différentes de ce que pense la majorité de la population, c'est bien le séparatisme. Ce dernier n'est généralement pas la raison pour laquelle les gens donnent leur voix à ces partis. Lorsque les gens s'y opposent, ces partis sont frappés à leur talon d'Achille.  À l'inverse, si l'on copie leurs opinions, on ne fait que leur donner plus de crédit, au détriment de son propre potentiel électoral. Ne pas prendre de position claire est pire que tout. Car alors, les partis concernés auront perdu d'avance si jamais le jour vient où un grand vote sur l'avenir de la Belgique doit avoir lieu. Il suffit de voir comment le parti de Jeremy Corbyn au Royaume-Uni s'est comporté par rapport au Brexit.

L'électeur a droit à un débat ouvert et honnête ainsi qu'à la clarté. Ceci est en contradiction avec le discours de la N-VA qui promeut le confédéralisme afin de sauver la Belgique, alors que son intention est bien sûr d'en  débrancher la prise au final.    

La valeur ajoutée de la Belgique est évidente. C'est notamment Bruno De Wever qui le dit (DS, 23 janvier 2016). Espérons donc que l'évolution décrite ici se poursuivra.