Pour Tony van de Calseyde, président de du mouvement B Plus, il est cynique de profiter de la crise du coronavirus pour propager des théories complotistes à propos de la formation du gouvernement d'urgence. Après la crise, le défi qui attend le monde politique belge est de s'élever son niveau bien au-delà de ce qu'elle a montré juste avant la crise. Le temps n'est ni à de nouveaux jeux politiciens, ni à de nouvelles élections.

Selon Lorenzo Terriere, l'avenir de la Belgique est entre les mains de ses collectivitées fédérées (VRT NWS, 13 avril 2020). Ce qu'il veut dire en réalité, c'est que, pour lui, la Belgique ne devrait pas avoir d'aucun avenir du tout. En effet, selon lui, la démocratie parlementaire aurait déjà été abolie au niveau belge et seul le niveau régional disposerait encore du poids politique et de la légitimité démocratique nécessaires pour prendre des décisions fondamentales à long terme. Il est clair que le gouvernement Wilmès ne mérite pas un prix de beauté. Cela tient certes à son étrange composition, mais aussi au spectacle politique malheureux dont il est le fruit. Mais ce sont des circonstances extraordinaires dans lesquelles la question de savoir quel parti occupe quel siège est de moindre importance. Dans des circonstances normales, le gouvernement minoritaire de Sophie Wilmès, avec une telle domination libérale, n'aurait jamais été toléré par les autres partis. Force est cependant de constater qu'elle a obtenu un large soutien du Parlement. Même avec quelques grognements, les partis ont resserré les rangs. Nécessité fait loi. Car ce qui importe, c'est que la crise sanitaire à laquelle nous sommes confrontés soit traitée le plus rapidement et le plus résolument possible. Une fois que cela aura réussi, nous nous pencherons sur le reste. Le rassemblement autour du drapeau est typique des crises majeures. Comme la plupart des nationalistes flamands, si Lorenzo Terriere se bat contre cela, c'est surtout parce que ce n'est pas son drapeau qui rassemble les gens. Il a fallu un certain temps, mais aujourd'hui, il paraît de plus en plus que les mesures du Conseil national de sécurité ne manquent pas leur objectif. La courbe se stabilise et la baisse semble avoir commencé. Pourtant, des centaines de compatriotes meurent chaque jour du coronavirus. Les hôpitaux, les centres de soins résidentiels et le personnel soignant sur le terrain sont toujours soumis à une pression énorme. Nous sommes donc encore loin du compte.

Cynisme

Dans ces circonstances, il est assez cynique d'avancer toutes sortes de théories conspirationnistes sur la formation d'un gouvernement, comme le fait Lorenzo Terriere. Il considère le gouvernement Wilmès comme la preuve d'un plan astucieux et clairement perçu comme négatif. Ce plan aurait déjà été préparé en secret de longue date. Il fallait seulement attendre que l'épidémie de coronavirus le fasse passer. Plus tôt, Bart Maddens a également mentionné le Palais comme "un deus ex machina pour la Belgique qui a accueilli ce plan à bras ouverts" (VRT NWS, 4 avril 2020). La réalité n'est-elle pas plutôt que les nationalistes flamands ont tout simplement du mal à accepter le fait qu'il y ait maintenant un gouvernement belge ? Lorsque, fin février, trente chefs d'entreprise ont appelé les politiciens dans une lettre ouverte à former rapidement un gouvernement fédéral, plusieurs d'entre eux ont reçu des appels courroucés de personnalités de la N-VA, malgré le caractère totalement non partisan de leur lettre. Avec de telles réactions, on démontre surtout n'être intéressé que par le blocage des institutions fédérales.

Mettre fin aux hostilités

N'est-il pas surtout vrai que MM. Terriere et Maddens ont plutôt du mal à accepter que le niveau fédéral fasse l'objet de tant d'attention aujourd'hui ? Car on peut dire ce que l'on veut sur le déroulement des réunions du Conseil national de sécurité (où, sauf erreur, ni l'un ni l'autre ne sont présents), mais c'est Sophie Wilmès qui s'adresse toujours à la nation lors des conférences de presse qui suivent. Les présidents des gouvernement régionaux et communautaires ne sont alors pas entendus. À ce moment, ils se rassemblent eux aussi autour du drapeau (belge). Dans ces moments-là, la population n'attend rien de plus qu'un signal d'unité, ce qui implique la cessation des hostilités entre eux. Plutôt que de fournir une analyse objective et factuelle, les réactions de nationalistes tels que B. Maddens et L. Terriere montrent surtout une aversion profonde, presque irrationnelle, pour tout ce qui est belge. Cette aversion est si profondément, que même dans des moments de crise comme maintenant, on manque l'occasion de se taire, ne serait-ce qu'un instant. Au contraire, on affûte ses armes et même le Palais est accusé de conspirer avec un virus mortel. Plutôt que de déclarer la Belgique en faillite par avance, il audrait accepter la conclusion que le niveau belge prouve sa plus-value. La décision du Conseil national de sécurité sur les écoles en est un bon exemple. Les Flamands auraient voulu que les écoles restent ouvertes, mais les francophones auraient voulu qu'elles soient fermées. Le compromis qui s'en est suivi de garder les écoles ouvertes, mais seulement pour fournir une garderie aux élèves, a été décrit ici et là comme intelligent. Elle montre que les Flamands et les Francophones sont toujours capables de faire des compromis. Qui dit qu'en fin de compte, le citoyen n'est pas mieux servi par un tel compromis que par les positions extrêmes qui étaient sur la table ?

Le prix du morcellement des compétences

Ce qui devient également clair, c'est que notre pays paie aussi le prix du morcellement d'une compétence comme les soins de santé, pour laquelle pas moins de neuf ministres sont compétents. Pendant un certain temps, nous avons eu plus de ministres compétents que de malades du coronavirus. Nous avons pourtant réussi à créer une unité de commandement sur tout le territoire. Cela a également prouvé que le niveau de pouvoir le plus local n'est pas toujours le niveau le plus approprié. C'est précisément pour cette raison que, ces dernières années, il est de plus en plus question d'une re-fédéralisation de certaines compétences, et pas seulement dans la bouche de personnes ayant des sympathies belgicaines. Il est également hypocrite de reprocher aux institutions fédérales leur statu quo depuis décembre 2018, sans pour autant souligner que la raison en est que, pour des raisons purement électorales, le plus grand parti flamand a laissé tomber le gouvernement de Michel Ier à propos du principalement symbolique Pacte des Nations unies sur les migrations. Cela a fait de la migration le thème prépondérant des élections du 26 mai 2019, avec pour résultat une victoire retentissante de l'extrême droite. Plutôt que de se lamenter sur la mise à l'écart de ce même plus grand parti flamand et sur la perspective d'être bientôt être confrontés à un gouvernement fédéral beaucoup plus à gauche, tiré par ce maudit PS, il est bon de réaliser que c'est la N-VA elle-même qui a torpillé un des gouvernements les plus à droite de ces dernières années. Si elle ne l'avait pas fait, elle aurait maintenant le contrôle des opérations.

Nous avons réussi à créer une unité de commandement sur tout le territoire

Que la prochaine phase, économique, de la crise de la covid-19 sera particulièrement difficile, est incontestable. Mais faire le niveau fédéral, comme le fait L. Terriere, comme un niveau duquel, comme lors des crises précédentes, aucune solution ne pouvait être attendue est simplement injustifié. L'aversion pour la Belgique ne peut pas aller jusqu'à fermer les yeux de manière totalement dénuée  de sens critique sur le rôle joué par les gouvernements fédéraux précédents dans la lutte contre, par exemple, la crise bancaire, la crise de la dette, les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016 et la crise migratoire. Néanmoins, le défi majeur pour le monde politique sera de s'élever, après la crise sanitaire, bien au-dessus du niveau de juste avant l'épidémie. Son spectacle commençait en effet à ressembler à un vaudeville. Un nouvel échec nourrirait les sentments anti-politiques comme jamais auparavant. Quiconque se met en tête de convoquer des élections, regardera probablement avec nostalgie les résultats des élections du 26 mai 2019 et les possibilités qui étaient encore là à l'époque. Tous les hommes de bonne volonté doivent se mettre à table avec enthousiasme et sans arrière-pensée : ensemble, pour une Belgique d'avenir.