« La Belgique ne fonctionne plus, elle est en phase terminale ». Voilà le slogan que la N-VA assène continuellement dans les réseaux sociaux. Et ce qui est lamentable est que ses propagateurs semblent s'en réjouir comme si notre pays, la Belgique, était un raté sans valeur, sans passé ni avenir condamné à s'évaporer dans l'oubli de l'histoire. Car ces contempteurs n'émettent évidemment aucune proposition positive pour mieux faire fonctionner notre pays, sauf évidemment le séparatisme ou ce mystérieux confederalisme, ce qui en termes couverts revient finalement au même.

Le propos n'est évidemment pas d'encenser à travers tout le fonctionnement de nos différents gouvernements, bien au contraire, mais il serait malhonnête de prétendre que le bulletin des gouvernements régionaux soit meilleur que celui du gouvernement fédéral.
Mais c'est une chose de critiquer à tort ou à raison les résultats d'un gouvernement. C'en est une autre de jeter le bébé (la Belgique) avec l'eau du bain.

Les précédentes réformes de l'État ont eu pour résultats de transférer de plus en plus de compétences du niveau fédéral vers les gouvernements régionaux et communautaires. Ne serait-il pas temps de se poser deux questions : cela a-t-il eu comme résultat l'amélioration de la gestion et quel est l'impact financier de cette décentralisation à tout va ? La réponse n'est certes pas évidente et il est étonnant que ni la Cour des Comptes, ni la Banque nationale se soient risquées à faire ce genre d'études, alors que cela en valait la peine ne fut ce que pour informer le citoyen qui n'a par ailleurs jamais été consulté sur ces réformes. À l'attention de ceux qui prônent le modèle suisse (qui aurait pu être par ailleurs pris en modèle): chaque modification de la Constitution fédérale (dont l'article 1er dispose depuis 1848 que la Suisse est une fédération) doit être approuvée par référendum par une double majorité : une majorité de l'ensemble de la population du pays et une majorité des 26 cantons qui composent la fédération.

Faire croire à la population que la scission de la Belgique entraînerait automatiquement la reconnaissance par l'Europe et la communauté internationale de deux ou trois nouveaux États membres est en outre une supercherie populiste.

Ceci dit en passant car la question fondamentale reste à savoir si les régions et communautés ont eu une meilleure gestion que l'ancien État unitaire. La réponse mérite d'être nuancée mais nous devons constater que dans des domaines comme le climat, l'environnement, le commerce extérieur, les soins de santé, l'enseignement, les allocations familiales etc... la réponse n'incite absolument pas à poursuivre le démantèlement de l'État fédéral. En matière d'efficacité et d'économies d'échelle la réponse est évidemment négative. La Belgique bat tous les records du nombre de gouvernements, de parlements, de mandataires publics etc... L'éparpillement des compétences et l'obsession à tout scinder entraîne évidemment gaspillages et hausse continue du coût de la fonction publique. Comment pourrait-il en être autrement ?

Ce qui n'arrange rien est que notre pays évolue d'une démocratie parlementaire vers une particratie extrêmement coûteuse sans partis nationaux (à l'exception du PTB), ni circonscription fédérale ce qui a pour résultat que chaque parti ne doit des comptes qu'à une partie de la population. Ne soyons dès lors pas étonnés que le niveau fédéral ait toutes les peines du monde de satisfaire l'ensemble de la population. Sans surprise, nous constatons que la particratie contamine également les instances régionales.

Une nouvelle réforme de l'État devrait dès lors avoir pour but essentiel de rendre le pays plus efficace et moins coûteux, de corriger les défauts des réformes précédentes, et non de continuer à démanteler le niveau fédéral, ni d'aggraver l'éparpillement des compétences. La disparition de la Belgique n'entraînerait aucune amélioration de notre bien-être ni de notre rayonnement international. Bien au contraire, tout indique que la dislocation de la Belgique entraînerait un désastre financier et une perte énorme de crédibilité internationale. Le déménagement des institutions européennes et internationales vers d'autres pays serait un risque réel, indépendamment du fait qu'il serait hautement improbable que l'Europe et les Nations-Unies reconnaissent deux ou trois nouveaux membres.


Mais la Belgique est-elle à ce point épuisée qu'elle ne puisse plus agir efficacement ? Ces dernières années ont été extrêmement difficiles pour beaucoup d'États : la pandémie, la crise énergétique, l'inflation, la menace de récession, les conséquences de la guerre en Ukraine, les nouveaux flux migratoires... sont évidemment préoccupants et entraînent des coûts énormes. La petite Belgique n'est cependant certainement pas le dernier de la classe : la situation semble même meilleure que ce que l'on peut observer dans d'autres pays, et que ce qu'on pouvait craindre. Notre pouvoir d’achat s'est même amélioré et notre croissance économique résiste mieux que prévu. Il faut pourtant constater que la gestion de toutes ces crises incombe principalement au niveau fédéral. Pour un pays soit-disant à bout de souffle, ce n'est tout de même pas mal.

Il n'en reste pas moins que nous nous trouvons devant des défis importants : diminuer l'endettement public, une réforme fiscale qui doit favoriser l'emploi et une réforme des pensions pour faire face au vieillissement de la population (en premier lieu en Flandre), pour ne citer que les plus importantes.
Heureusement, on peut se réjouir des succès que notre pays engrange et d'une volonté de coopération qui augmente la plus-value que représente la Belgique :

  •  la coopération entre VDAB, Forem et Actiris dans une volonté claire de promouvoir le taux d' emploi,
  • idem pour l'amélioration de la mobilité régionale dans et autour de Bruxelles par la coopération de la SNCB, de la STIB, de De Lijn et des TEC,
  • des succès économiques éclatants comme ceux de Imec en Brabant Flamand et de 'Odoo en Brabant Wallon

  • l'ambition affichée de la Belgique de devenir un acteur mondial pour la transition énergétique,

  • le succès croissant de nos entreprises et start-up partout en Belgique et à l'international,

  • la coopération interuniversitaire en matière de recherche et développement,

  • la compétence, le multilinguisme, l'expertise et l'adaptabilité des Belges partout dans le monde,

  • sans oublier le monde culturel , les sports, la gastronomie et la valeur internationale de la marque Belgium,

  • et surtout le souhait et la volonté de la grande majorité des Belges de continuer à travailler ensemble.

Nous fêterons dans 6 ans les 200 ans de l'indépendance belge. Nous pouvons être fiers de ce passé. La Belgique, ce pauvre et petit pays à sa naissance, est devenu un des pays les plus prospères au monde, un berceau de culture, d'innovation, avec un des meilleurs systèmes de soins de santé, de sécurité et de concertation sociale, et même une source d'exploits sportifs. La Belgique a surmonté deux conflits mondiaux est un membre fondateur de l'Union européenne, de l'OTAN et d'autres institutions internationales. Nous performons bien au-dessus de notre taille géographique et démographique. Pas si mal pour un pays qui serait « épuisé » et que certains, pour d'obscures raisons, voudraient voir disparaître !