Dans le cadre des actuelles discussions budgétaires, tout notre petit monde politique semble vouloir y aller de sa petit idée, que ce soit telle nouvelle taxe, telle nouvelle mesure d’économie plus ou moins pertinente, voire le bon vieux truc du saut d’index. Personne ne semble cependant vouloir voir le vrai problème auquel est confrontée la Belgique et qui empêche tout assainissement en profondeur de nos finances publiques.

Structure du budget fédéral

Peut-être se souvient-on du schéma qui a circulé sur les réseaux sociaux lors des discussions budgétaires du printemps dernier. Celui-ci représentait un rectangle symbolisant € 1000 du budget fédéral, découpé en cases représentant les grands secteurs de dépenses. Chaque case avait une taille proportionnelle aux moyens affectés à la politique concernée. Ce schéma montrait bien que, sur 1000 euros dépensés par l’autorité fédérale, 24 vont aux retraites, 138 aux soins de santé et 277 aux communautés et aux régions. Les autres postes souvent évoqués dans les débats pèsent bien moins dans le budget fédéral. Seuls € 38 sont par exemple affectés à la charge de la dette, alors que le fonctionnement de l’administration fédérale en réclame 63.

Compétences fédérales

Outre la sécurité sociale, le cœur des compétences de l’autorité fédérale est constitué des compétences régaliennes. Or, celles-ci constituent un partie somme toute modeste du budget fédéral. Sur les mêmes  € 1000, la Défense en perçoit 44, la police 19, la Justice 10 et la Mobilité 16. Presque tout le monde s’accorde sur le fait que la Défense ne peut plus faire d’économies supplémentaires et qu’il faut au contraire y réinvestir. Mais ce n’est pas le seul poste où ce constat s’impose. On connaît depuis longtemps les problèmes de la Justice, qui nécessitent un réinvestissement qui se fait attendre depuis trop longtemps. Tout qui a déjà voyagé en train dans ce pays se rend compte que faire des économies sur le dos de la SNCB n’est pas non plus une option. Quant à l’abolition du Sénat, si elle a lieu, elle ne ne permettra que des économies symboliques dans le meilleur des cas. S’il est sans doute possible de dégager quelques économies en rationalisant la sécurité sociale, celles-ci resteront marginales et ne permettront jamais de réaliser les économies nécessaires. Au niveau fédéral, faire des économies sur le seul « train de vie de l’État » est une illusion : l’autorité fédérale est déjà réduite à la portion congrue, et c’est au contraire de réinvestissements qu’il faut parler.

L’éléphant dans la pièce

Il est temps de voir les choses en face : le seul poste budgétaire suffisamment important pour permettre des économies est la dotation des communautés et des régions. Personne ne semble vouloir voir que sur 1000 euros dépensés par l’autorité fédérale, 277 vont aux entités fédérées. Les auteurs de la funeste VIe réforme de l’État étaient même fiers de la « révolution copernicienne » que constituait ce basculement budgétaire au profit des communautés et des régions. On peut cependant douter que la Belgique puisse encore se permettre une telle dispersion de moyens.

Efficacité

Les communautés et les régions prennent en charge des compétences essentielles ; il n’est pas question de dire que ces politiques publiques doivent disparaître. Il faut en revanche se demander si l’exercice de tant de compétences au niveau régional ou communautaire apporte une réelle plus-value ou s’il constitue au contraire une source de coûts et d’inefficacités. La régionalisation du commerce extérieur a multiplié par trois le nombre de fonctionnaires chargés de cette politique, sans que nos exportations aient pour autant augmenté en proportion. La récente mission économique présidée par la princesse Astrid en Californie a au contraire montré encore une fois que l’action commune sous la dénomination « Belgique » est bien plus fructueuse que le « chacun pour soi » de régions agissant en ordre dispersé. La communautarisation des allocations familiales a impliqué la mise en place de quatre administrations pour faire ce que faisait la seule administration fédérale, sans que les bénéficiaires en ressentent un réel changement positif. Le morcellement des compétences en matière de santé publique – légendaire depuis la crise du covid – a montré combien l’obsession de scinder encore et toujours plus mène à des conséquences absurdes, comme ne plus pouvoir faire efficacement face à une situation de crise lorsque celle-ci se présente. Le morcellement est décidément un luxe qui coûte cher au contribuable belge.

Refédéralisations

Tant la nécessité d’assainir les finances publiques que l’impératif d’efficacité de l’action publique imposent de penser sérieusement à refédéraliser les compétences qui ont été confiées aux entités fédérées en dépit du bon sens. Ces scissions ont entraîné une explosion des coûts, alors que les bénéfices pour les citoyens sont loin d’être toujours avérés. Notre personnel politique doit avoir le courage de regarder les choses en face et de revenir sur des décisions funestes du passé. L’État belge comme ses citoyens n’ont plus les moyens de payer pour des choix inspirés par la seule idéologie.

 

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