Récemment, la N-VA confirmait, à grand renfort de communication, son intention de déposer des listes de candidats dans les cinq circonscriptions wallonnes pour les prochaines élections fédérales. Voilà donc qu’un parti nationaliste flamand s’intéresse au sort des Wallons. Ceci ne peut que surprendre, surtout en sachant que ce même parti ne se prive pas de tenir des propos provocants et méprisants pour ces mêmes Wallons. Souvenons-nous du camion rempli faux billets de banque amené à Strépy-Thieux pour symboliser la gabegie wallonne soi-disant financée par les Flamands, ou encore la comparaison entre la sécurité sociale et l’entretien de junkies dans leur dépendance. Il y a plusieurs leçons à tirer de cette initiative de la N-VA...
Logique financière
Soulignons d’abord que le dépôt de listes dans les circonscriptions wallonnes présente pour la N-VA un avantage financier. Ce n’est pas sans raison que dans le passé, l’autre parti nationaliste flamand, le Vlaams Belang, avait déjà fait de même. La dotation des partis politiques est en effet fonction du nombre de voix récoltées, même si celles-ci ne permettent pas de décrocher le moindre siège. Chaque électeur wallon dont le crayon rouge s’égarera sur la liste de la N-VA lui permettra donc d’augmenter sa manne financière. Ceci n’est pas inutile, au moment où tous les sondages annoncent à ce parti une perte significative de voix en Flandre. Les quelques Wallons qui, pour des raisons plus ou moins claires, voteront pour la N-VA lui permettront d’amortir le choc financier qui se profile.
Logique politique
L’objectif financier n’est bien entendu pas le seul visé. Il y a bel et bien un objectif politique dans cette démarche : bloquer encore plus le jeu politique au lendemain des élections en mettant en avant un différend communautaire dont on se sera bien gardé de parler durant la campagne électorale. La stratégie mise en place par le parti de Bart De Wever est cousue de fil blanc. Si les listes wallonnes de la N-VA récoltent un succès, fut-il modeste, ne doutons pas le président pourra déclarer fièrement que même les Wallons sont convaincus du bien-fondé de son projet « confédéraliste » (lisez : séparatiste). Si ces listes sont un échec, elles auront tout de même grappillé quelques voix au MR, renforçant ainsi relativement le PS. M. De Wever pourra déclarer que ce résultat valide sa thèse des « deux démocraties », selon laquelle la Flandre voterait à droite, la Wallonie à gauche et que ces différences politiques sont insurmontables. Dans les deux cas, le résultat sera interprété – abusivement – comme un soutien aux thèses séparatistes de la N-VA. Les électeurs wallons naïfs qui seraient tentés de voter pour la N-VA en raison de ses thèses droitières en matière de sécurité, d’immigration ou d’économie sont ici prévenus : leur vote ne servira qu’à légitimer le programme institutionnel d’un parti dont la priorité reste la fin de la Belgique. Si la N-VA est en mesure de réaliser son programme, c’est en Flandre qu’elle le fera. Les électeurs wallons qui lui auront accordé leur confiance seront laissés à leur sort dans une Wallonie plus que jamais dominée par les partis de gauche. Autant le savoir.
Deux démocraties ?
B Plus s’est toujours inscrit en faux contre la théorie des « deux démocraties » inconciliables assénée par Bart De Wever depuis des années. Nous nous réjouissons de voir que la N-VA elle-même décide de nous donner raison. À l’instar du PTB (et comme le Vlaams Belang l’a déjà fait dans le passé), elle prend l’initiative de combler le déficit démocratique fédéral en étant l’un des seuls partis politiques à se présenter devant tous les électeurs de la fédération belge. Par cette initiative, elle enterre elle-même le mythe qu’elle a créé autour des soi-disant deux démocraties : elle montre qu’il est parfaitement possible pour un parti politique de se présenter devant l’ensemble des électeurs et de contribuer à un débat public qui dépasse les limites régionales et communautaires.
Signe pour les autres partis
Sur l’ensemble des partis politiques qui solliciteront les suffrages des Belges en juin prochain, il est probable que seul deux se présenteront dans toutes les circonscriptions électorales, flamandes, bruxelloise et wallonnes : d’une part le PTB, fidèle a sa conception d’unité des travailleurs, d’autre part la N-VA qui, si elle a policé son discours, n’a en rien renoncé à ses objectifs séparatistes. N’est-il pas paradoxal de voir qu’un parti séparatiste souhaitant la fin de la Belgique soit l’un des seuls qui contribuent à une vraie démocratie fédérale ?
Cette démarche devrait surtout inspirer les autres partis politiques. Les partis qui rejettent le séparatismes devraient être les premiers à présenter des candidats sur l’ensemble du territoire et à défendre leur programme et leur bilan devant l’ensemble des Belges. Il est réjouissant d’apprendre que le MR et l’OpenVLD se sont accordés sur une liste commune à Bruxelles, tout comme le CD&V et Les Engagés, ainsi que Ecolo et Groen. Mais ce n’est pas suffisant. Cette initiative doit être étendue à l’ensemble des circonscriptions électorales. Les partis relevant d’une idéologie commune doivent se présenter devant tous les électeurs, par des listes communes ou au moins derrière un programme commun. Ce qui est possible à Bruxelles doit l’être aussi à Gand, à Liège et ailleurs : se présenter aux élections fédérales avec un programme fédéral commun. Si des partis nationalistes le font, il n’y aucune raison que des partis universalistes n’y parviennent pas. C’est alors, et alors seulement, que la revendication de B Plus – et de tant d’autres démocrates – de mettre en place une circonscription fédérale pourra être considérée comme superflue.