Les coprésidents de Groen, Nadia Naji et Jeremie Vaneeckhout, ont partagé leur vision d'une réforme de l'État en 2024 avec B Plus.
Comment allez-vous ? Vous travaillez en tant que coprésidents de Groen depuis un peu plus de six mois maintenant. Quels sont les plus grands défis auxquels vous avez été confrontés au cours des derniers mois ?
Nadia Naji (NN) : Nous travaillons depuis le mois de juin de l'année dernière et nous avons été très occupés. Tant en interne qu'en externe, nous avons déjà accompli beaucoup de choses, mais il y a encore beaucoup de pain sur la planche, ce qui nous tient bien éveillés.
L'une des questions sur lesquelles nous travaillons est i la réforme de l'État. Groen, veut participer au débat sur ce sujet. Bien sûr, en été et en automne, la crise énergétique, a également pris beaucoup de temps, et à juste titre, parce que les gens cherchaient des mesures de soutien. L'énergie a certainement été le mot clé de ces premiers mois.
Jeremie Vaneeckhout (JV) : Nous sommes ici chaque jour avec beaucoup d'énergie, mais ce ne sont pas les moments politiques les plus faciles. Nous faisons de la politique précisément pour prendre des responsabilités, et cela s'applique certainement lorsque les choses ne sont pas si faciles.
Alors oui, il y a de grands défis pour la société, car nous vivons actuellement une grande crise sociale, mais nous devons rassurer les gens et les aider à relever ces défis.
Est-il utile d'assumer ce rôle important ensemble ? Une formule de coprésidence ne constitue-t-elle pas parfois un obstacle à la prise de décisions ?
NN : Je pense que nous avons la chance d'avoir la même orientation en ce qui concerne le parti et la vision que nous avons de notre collaboration, et aussi en termes de contenu. Cela garantit que très peu de coordination est nécessaire. Nous ne devons pas passer des heures à débattre entre nous de la manière dont nous allons faire les choses. C'est aussi pourquoi nous sommes deux dans ce rôle, pour faire deux fois plus de travail. C’est justement parce qu’il y a deux coprésidents que nous pouvons en faire plus.
JV : Cela apporte aussi un certain réconfort : nous avons quelqu'un avec qui nous pouvons discuter de la façon dont nous allons aborder les choses.
NN : Le fait que nous soyons deux à assumer ce rôle permet également de maîtriser notre ego.
JV : D'autres présidents, surtout des hommes, pensent parfois qu'ils doivent agir comme une sorte “Roi Soleil”, qu'ils doivent tout savoir, à chaque instant de chaque jour. Cependant, c'est dépassé de penser qu'une seule personne est capable de remplir un tel rôle de manière satisfaisante tous les jours. Ce n'est pas correct.
Il faut pouvoir admettre honnêtement qu'il y a des jours où les choses ne vont pas très bien. C’est une valeur ajoutée d'avoir quelqu'un qui est en pleine forme à ce moment-là.
NN : Cela nous permet, de travailler également sur le long terme. Comme tout président/présidente, nous sommes confrontés aux crises du moment et donc aussi aux crises médiatiques du jour. Le fait d'être deux nous permet de voir plus loin. Parce que nous sommes deux, nous avons le luxe de ne pas nous concentrer uniquement sur les questions des journalistes et les problèmes du jour.
Nous partageons également notre travail par thème, ce qui nous permet de nous donner mutuellement une meilleure perspective de temps en temps.
"Lorsqu'il existe une volonté de travailler ensemble, des solutions peuvent toujours être trouvées. En Belgique, nous le démontrons plus souvent qu'à notre tour."
Nous demandons toujours aux présidents de partis ce que la "Belgique" évoque en eux. Vous êtes respectivement de Bruxelles et d'Anzegem (Flandre occidentale). Quelle est votre réponse ?
NN : C'est le surréalisme, quelque chose qui est finalement un concept très belge. Nous sommes des professionnels du surréalisme. Il y a une certaine beauté à cela. On en rit souvent, mais nous pouvons réaliser des choses qui semblent souvent absurdes aux autres.
La structure de notre État est un excellent exemple. Quand les gens commencent à expliquer cela ailleurs, cela semble surréaliste. Je ne dis pas que c'est idéal, car nous aussi avons beaucoup à dire à ce sujet. Mais même si cette structure a quelque chose de surréaliste, nous continuons à croire que nous pouvons la faire fonctionner.
JV : Personnellement, mon tout premier sentiment quand je pense à la Belgique, c'est toujours les Diables Rouges. Je suis un abonné permanent depuis plus de 10 ans. J'assiste à presque tous les matchs à domicile et occasionnellement à un match à l'étranger. À cet égard, c'est ma première émotion, d’être debout dans une tribune quelque part en train de brandir notre tricolore.
Ma conviction politique est qu'en tant que Belges, nous partageons plus de choses que nous avons de choses qui nous séparent. Lorsqu'il existe une volonté de travailler ensemble, des solutions peuvent toujours être trouvées. En Belgique, nous le démontrons plus souvent qu'à notre tour. Malgré le fait que les partis politiques sont parfois tentés de croire que la coopération n'est plus possible, nous finissons toujours par y arriver. Avec une bonne dose de bonne volonté, beaucoup de choses sont possibles.
Prenons l'exemple des factures d'énergie : elles empêchent autant les habitants d'Ostende de dormir que ceux de Namur. Il nous appartient donc de formuler une réponse commune à ce sujet. Ce sont ceux qui croient en la coopération et au fait qu'ensemble nous pouvons relever les défis qui font la différence. La Belgique le prouve chaque jour."Il y a des gens qui ont une sorte de court-circuit dans la tête quand ils m'entendent chanter la Brabançonne aussi fort que le Vlaamse Leeuw. Je ne comprends pas. Pourquoi l'un exclurait-il l'autre ?"
NN : Ce que Jeremie vient de dire est quelque chose que je vis personnellement. Le néerlandais est ma deuxième langue. J'ai grandi dans le Brabant flamand, mais j'ai grandi en français, et donc avec la culture francophone. Comme je connais très bien la Belgique francophone, que j'ai grandi en Belgique néerlandophone et que je vis aujourd'hui à Bruxelles, cela ne me paraît pas si étrange. C'est une partie de ma propre identité. Pour moi, ces compromis sont très naturels, même s'ils ne sont pas toujours faciles.
JV : C'est également lié au concept d'identité qui ne doit pas être statique. On se sent à la fois Anzegemien et ouest-flamand, flamand, belge et européen. Mettre tout cela ensemble n'est plus un problème maintenant.
Il y a des gens qui ont une sorte de court-circuit dans la tête quand ils m'entendent chanter la Brabançonne aussi fort que le Vlaamse Leeuw. Je ne comprends pas. Pourquoi l'un exclurait-il l'autre ?
N’êtes-vous pas préoccupés par le fait que des initiatives telles que le "Canon flamand" et le programme télévisé "Het Verhaal van Vlaanderen (L’histoire de la Flandre)" soient subventionnées ? Ne craignez-vous pas que cela favorise une société exclusive dans laquelle la communauté belge et/ou francophone n'aurait plus sa place ?
"J'aimerais vraiment voir "l'histoire de la Belgique". Ce serait très intéressant.
La VRT et la RTBF pourraient unir leurs forces pour cela."
NN : J'ai peu de problèmes avec le programme en soi. Je pense qu'il est bien fait. Vous pouvez noter qu'il s'agit toujours de "nous", alors qu'à l'époque, il n'y avait pas de "nous".
J'aimerais vraiment voir "l'histoire de la Belgique". Ce serait très intéressant. La VRT et la RTBF pourraient unir leurs forces pour cela. Bien sûr, c'est difficile, car nos médias sont scindés. Mais, en définitive, cela ne devrait pas bloquer une telle initiative. Le gouvernement devrait également être en mesure de libérer du budget pour soutenir cela.
Quant à cette exclusivité, si vous regardez le programme, vous voyez que, dès le premier épisode, on se retrouve en Wallonie. Cela montre que nous pouvons difficilement nous éviter nos histoires se rejoignent toutes.
Le Flamand est façonné par l'histoire de la Belgique et celle du Néerlandophone bruxellois est caractérisé par la bataille linguistique qui s'est déroulée ici. Notre histoire est également liée à celle des Pays-Bas et de la France. On ne peut pas nier que la Belgique joue un rôle dans l'histoire de la Flandre. Ce serait comme nier la lumière du soleil. J’encouragerais même un programme similaire sur l'histoire sur l’histoire de la Belgique.
Ce qu’il faut éviter c'est que la VRT devienne une machine de propagande qui ne soutienne que certains points de vue et pas du tout d'autres. Pas de problème avec l'histoire de la Flandre, mais il faut aussi pouvoir faire l'histoire de la Belgique.
"Personnellement, j'aimerais aussi qu'il y ait un programme commun : que nous, Belges, votions ensemble pour savoir qui nous voulons voir représenter notre pays !"
JV : On devrait pouvoir écrire des histoires sur notre histoire, mais cela ne devrait jamais être fait dans une perspective nationaliste. Personnellement, je ne suis ni un nationaliste flamand ni un nationaliste belge. Nous sommes juste des gens, vivant ensemble et essayant de faire quelque chose de nos vies.
Dans le même temps, il faut savoir que l'histoire de la Flandre est aussi celle de personnes venues du monde entier, qui construisent toutes leur avenir ici.
Cela montre aussi un peu l'absurdité de ne pas écrire notre histoire ensemble. Par exemple, nous venons de choisir le candidat flamand pour le concours Eurovision de la chanson. L'année dernière, c’est la Belgique francophone qui a présenté une candidature. Imaginez que nous fassions la même chose avec les Diables Rouges : pour une Coupe du Monde nous envoyons une équipe flamande et pour la suivante une équipe francophone ? N'est-ce pas complètement absurde ?
Cette peur d'écrire des histoires ensemble doit être surmontée, oui. C'est différent d'écrire quelque chose de nationaliste : c'est construire un avenir ensemble. Cela peut être fait au niveau de la ville et de la région, mais il faut absolument le faire aussi au niveau national aussi.
NN : Je suis une grande fan d'Euro Song. Personnellement, j'aimerais aussi qu'il y ait un programme commun : que nous, Belges, votions ensemble pour savoir qui nous voulons voir représenter notre pays ! Cela aurait également un effet unificateur. C'est d'ailleurs le but de l’Eurovision : créer et promouvoir cet engagement européen. C'est dommage de ne pas le faire nous-même au sein de la Belgique.
Vous indiquez également clairement dans le programme de votre parti que vous souhaitez refédéraliser certaines questions (par exemple : le climat et la coopération au développement, etc.) Pourquoi voulez-vous refédéraliser ces compétences ? Y a-t-il d'autres compétences que vous aimeriez également voir arriver au niveau fédéral à l'avenir ? Par exemple, celles qui pourraient contribuer à l’écriture d’un récit commun ?
"Aujourd'hui, nous constatons que le morcellement des compétences nous fait travailler
les uns contre les autres plutôt qu’avec les autres."
JV : Je ne pense pas qu'il faille nécessairement refédéraliser ou régionaliser une compétence pour écrire notre avenir ensemble ou non. Je pense que si nous voulons écrire un avenir ensemble, cela peut être comme dans l'exemple du concours Eurovision de la chanson. Nous devons vivre les choses ensemble, en tant que Belges.
Lorsqu'il s'agit de régionaliser ou de refédéraliser, notre point de départ est toujours de savoir ce qui fonctionne le mieux. Par exemple, dans le domaine de la coopération au développement et du commerce extérieur, on voit certaines tensions depuis que ces domaines ont été régionalisés. . Pourtant, l'intention était de les supprimer.
Mais il faut rester réaliste et reconnaître qu'il n'est pas vrai qu'il y a 50 ans, tout fonctionnait fantastiquement bien. Il y a des raisons pour lesquelles on a choisi de scinder certaines choses. Cependant, cela ne devrait jamais être fait pour servir un programme de démantèlement national, feutré ou non. Nous pensons que cela devrait être fait simplement sur la base de la bonne gouvernance. Le critère le plus important reste de savoir si nous sommes encore capables de travailler ensemble ou non. Nous résoudrons beaucoup plus de problèmes si la culture politique change de manière à ce qu'il y ait une volonté de se retrouver par-delà les frontières. Non seulement au-delà des frontières linguistiques, mais aussi au-delà des frontières idéologiques.
Si nous pouvons retrouver cela, nous ferons beaucoup de progrès. Chaque pays a ses défis en termes de structure étatique, mais c'est nous qui faisons la différence en tant que responsables politiques, en voulant coopérer ou non. La bonne gouvernance et la volonté de coopérer sont les critères les plus importants.
NN : Le mot "coopération" est essentiel pour parler de la structure de notre État, mais aussi de ce que nous sommes. Le jour où il n'y aura plus de coopération, la Belgique n'existera plus. La coopération est essentielle, mais elle requiert de la bonne volonté plutôt qu'une tendance à travailler les uns contre les autres. Aujourd'hui, nous constatons que le morcellement des compétences nous fait travailler les uns contre les autres plutôt qu’avec les autres.
Lorsque nous parlons du climat, par exemple, nous sommes plus susceptibles de nous opposer les uns aux autres que de travailler ensemble pour trouver des solutions durables. C’est malheureux, et cela doit être corrigé.
Je pense également que personne ne niera que dans la crise du Covid le morcellement des compétences a entraîné des difficultés et une perte de réactivité. Certains pensent que tout aurait été mieux en régionalisant tout, mais c'est faux : la crise aurait été tout aussi dure. Si on regarde du côté de Bruxelles, où la crise du Covid a été très difficile à gérer, précisément parce que toute la complexité institutionnelle y converge, il est également clair que cette structure pourrait être plus efficace. Ici aussi, nous sommes tous connectés les uns aux autres en fin de compte.
Je pense la direction à prendre mérite un vrai débat, et pas seulement d'un point de vue politique, mais aussi plus large. C’est nécessaire du point de vue de l'avenir des personnes en général. Il est essentiel de mener ce débat correctement. Sur le plan politique, ce débat devrait être mené de manière moins émotionnelle. L'émotion ne doit pas être le point de départ.
Comment pensez-vous que nous pouvons faire en sorte qu'il y ait moins de blocages ? Par exemple, l'Open Vld préconise un gouvernement fédéral ayant un rôle de coordination plus important, qui devrait ensuite être en mesure de prendre les décisions. Quelle est votre position à ce sujet ?
"Le débat institutionnel est moins d'actualité. Les gens veulent que leurs problèmes soient résolus. Pour le citoyen moyen, il importe peu de savoir si et comment la structure de l'État doit être adaptée pour que cela se produise."
JV : Je peux suivre ce raisonnement, mais c'est une question nuancée, car lorsque l'on parle de climat, on commence aussi à parler de mobilité, d'aménagement du territoire, etc. Le risque est de présenter de bonnes idées qui, dans la pratique, conduisent à une ingouvernabilité totale. C'est pourquoi nous insistons sur le fait qu'il faut non seulement une meilleure organisation institutionnelle, mais surtout un changement de culture politique.
Tant que certains partis pensent qu'ils vont gagner des élections en ne faisant rien de concret, en bloquant tout et en rejetant ensuite la faute sur les autres, à d'autres niveaux, il est difficile de faire un pas en avant. Notre appel s'adresse donc principalement aux forces qui veulent encore travailler ensemble, pour qu'elles dépassent vraiment les tabous et réfléchissent à la meilleure façon de s'organiser institutionnellement.
J'ai déjà évoqué les prix de l'énergie, qui préoccupent autant les habitants d'Ostende que ceux de Namur. Je pense que les gens dans les deux villes pensent "on s'en fout de comment c’est organisé au niveau institutionnel". Il est de notre devoir, en tant que responsables politiques, de trouver des réponses à ces défis. La façon dont nous nous organisons pour relever ces défis ne doit pas être la question principale.
NN : C'est la raison pour laquelle le débat sur la réforme de l'État n'est pas très vivant parmi les gens en ce moment. Quand j'étais plus jeune, c'était vivant, car la discussion autour de la scission de BHV (ndlr : la circonscription électorale Bruxelles-Hal-Vilvorde) était très actuelle. Mais aujourd'hui, les gens sont préoccupés par les problèmes de fond qu'ils vivent. Le débat institutionnel est moins d'actualité. Les gens veulent que leurs problèmes soient résolus. Pour le citoyen moyen, il importe peu de savoir si et comment la structure de l'État doit être adaptée pour que cela se produise.
Prenons le problème des psychologues dans les écoles, par exemple : vous êtes coincé là avec deux niveaux de compétence qui se rejoignent. Mais, je pense que les jeunes à l'école veulent juste pouvoir voir un psychologue. Qui fournit et paie pour cela est accessoire pour eux.
Pensez-vous que les gens devraient être autorisés à être plus éveillés au débat institutionnel ?
JV : La structure étatique n'est finalement qu'un moyen de bien organiser une communauté et une société. Il est bon que les jeunes fassent attention aux vrais défis. Lorsque je suis arrivé dans le parti, en 2010, le gouvernement est tombé sur BHV. Au lieu de prendre notre pays en otage pendant des centaines de jours puis de négocier la sixième réforme de l’État, nous aurions dû mieux préparer notre avenir énergétique à ce moment-là. Au lieu de cela, nous avons perdu un temps fou sur des dossiers symboliques qui ne le méritaient pas.
Je me réjouis de l'émergence de générations qui sont moins hypnotisées par la question de savoir s'il faut être "flamand" ou "belge", mais qui se préoccupent avant tout de savoir comment nous apportons des réponses aux problèmes d'aujourd'hui et de demain.
NN : En sixième année, nous avons visité le parlement fédéral avec notre classe. Cela correspondait à la période “BHV”. Un député qui a interagi avec notre classe et nous a demandé où nous étions à l'école. Lorsqu'il a appris que nous étions de Hal, il a demandé comment les gens de cette ville vivaient la crise politique. Je me souviens avoir pensé, déjà à l'époque, qu'il s'agissait d'une discussion purement politique que beaucoup de gens considéraient comme étrangère au monde réel. La plupart des personnes ont estimé que d'autres questions auraient dû bénéficier d'une plus grande attention que BHV.
Ces dernières années, les partis nationalistes, comme la N-VA, parlent peu du débat institutionnel pendant la campagne électorale. Ils se concentrent davantage sur l'offre de perspectives d'avenir. Mais ensuite, ils affirment que chaque voix gagnée montre que les gens veulent le confédéralisme. Cela ne montre-t-il pas alors que nous prenons un risque, en n'étant pas éveillés au débat institutionnel à l'approche des élections de 2024 ?
JV : Je pense qu'une partie de la réponse se trouve chez l'électeur. Les gens devront juger par eux-mêmes dans quelle mesure ils pensent que leurs problèmes seront résolus dans un modèle confédéral, fédéral ou plus unitaire. Notre approche est d'aller vers les électeurs avec un programme autour des grands défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Ces problèmes ne sont pas nouveaux, alors réfléchissons à la manière dont nous allons les résoudre. Qu'il s'agisse du climat, de l'approvisionnement en énergie ou de la pénurie de personnel dans les secteurs de la santé et de l'éducation, la structure de l'État n'est qu'un moyen d'aborder tout cela. S'il s'avère qu'une structure étatique différente peut permettre de le faire plus efficacement, nous sommes toujours prêts à avoir cette discussion.
Nous sommes prêts à avoir un débat sur ce sujet à tout moment, mais il ne faudrait pas qu'à un an et demi des élections, toute l'énergie de la rue de la Loi soit consacrée à cela. Ce serait vraiment un monde à part.
Vous êtes favorable à une circonscription fédérale, mais quelle forme devrait-elle prendre ? Doit-il y avoir une répartition des sièges en fonction des groupes linguistiques ou non ?
NN : Une circonscription fédérale peut certainement être utilisée pour une partie des sièges, mais la question reste toujours de savoir quel est son objectif. Pour nous, l'objectif d'une circonscription fédérale es d’abord que les gens puissent voter pour la personne qui peut le mieux les représenter. Je pense personnellement qu'il devrait être possible pour moi aussi de représenter un électeur wallon.
Le nombre de sièges dans cette circonscription n'est pas nécessairement décisif. Le principe que cela devrait être possible est plus important que l'élaboration concrète. Cela pourrait également constituer une belle modernisation de notre fédéralisme.
Dans le cadre d'une circonscription fédérale, serait-il possible qu'Écolo et Groen fusionnent en un seul parti ?
JV : Actuellement, nous travaillons déjà ensemble à tous les niveaux où cela est possible dans le cadre institutionnel. Au Parlement bruxellois nous sommes des groupes politiques distincts car il n’y est pas possible de former un groupe bilingue. Mais nous travaillons en étroite collaboration dans les coulisses.
NN : Mais alors, nous avons une liste électorale commune là-bas.
JV : En effet, pour le Parlement bruxellois, nous avons une liste Groen et une liste Ecolo. À la Chambre des représentants, nous avons vraiment un groupe mixte, car là, c'est possible. Donc, si demain il y avait une circonscription fédérale, il me semble logique que nous appliquions ces mêmes principes de manière à réunir Ecolo et Groen. Dans le cadre constitutionnel actuel, nous essayons vraiment de coopérer au maximum.
Vous êtes en faveur de la suppression du Sénat. D’une suppression totale ou d’une modernisation ? Par exemple, certains suggèrent qu'il devienne une institution où les citoyens pourraient avoir leur mot à dire. Comment voyez-vous cela ?
NN : Nous préconisons l'abolition du Sénat. Je pense que des objectifs tels que la participation des citoyens peuvent être atteints par d'autres moyens. À Bruxelles, par exemple, vous avez des citoyens qui se réunissent pour exprimer leurs opinions sur les grandes questions. La participation des citoyens peut donc aussi se faire par d'autres moyens que par l'institution du Sénat. Donc, en ce qui me concerne, il peut disparaître. Mais l'objectif d'impliquer davantage les citoyens peut être plus élaboré, à mon avis.
JV : C'est une question importante, car on n'écrira pas l'avenir de la Belgique avec des institutions du passé. Je pense que cet objectif de participation des citoyens est mieux réalisé par le contact étroit avec les politiciens.
Au Parlement flamand, nous avons proposé que des comités de citoyens participent aux discussions politiques. Nous voulons éviter que cela devienne un véhicule distinct, que la Chambre pourrait décider d'ignorer, simplement parce qu’il s’agit d’un organe différent [Ndlr : à savoir le Sénat].
Pensez-vous qu'il existe un soutien démocratique à des propositions telles que celle d'une circonscription fédérale et de l'abolition du Sénat ?
JV : Je crois qu'il existe un réel soutien pour les deux propositions.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'abolition du Sénat, je pense que tant les acteurs politiques que ceux de la société civile peuvent soutenir cela. Prendre en compte la manière dont nous pouvons mieux organiser la participation civique.
Deuxièmement, en ce qui concerne la circonscription fédérale, je ne pense pas que quiconque puisse raisonnablement s'opposer à la proposition selon laquelle, en tant que responsable politique belge, vous devez être responsable devant l’autre partie du pays. Tout le monde se rend compte que ce serait en fait la logique dans un pays fédéral normal, tout comme le président américain doit aller répondre devant tous les États.
NN : Ce n'est pas si difficile. Je ne comprends pas pourquoi c'est si compliqué de mettre cela en place. Je m'adresse moi-même souvent à la presse francophone : je pense que c'est important aussi. D'autres partis et hommes politiques font de même, d'ailleurs ; je pense à Théo Francken, George-Louis Bouchez, Thomas Dermine et George Gilkinet. Je ne comprends donc pas toujours l'objet du débat, sachant que beaucoup le font maintenant de toute façon.
Nous constatons à chaque fois qu'une grande partie des Flamands sont favorables à plus de Belgique : selon De Stemming de 2021, c’est le cas des deux-tiers des personnes sondées. Pourtant, près de 50 % d'entre eux votent pour des partis nationalistes flamands. Comment pensez-vous que cela puisse s'expliquer ?
"Nous voulons surtout offrir une alternative au récit nationaliste de droite."
NN : Je pense que l'explication de cela n'est pas très difficile. Les personnes qui votent pour les partis nationalistes flamands ne le font pas nécessairement en raison de leurs opinions sur la structure de l'État. Ils le font pour d'autres raisons. Par exemple, ce sont donc des partis de droite et les gens votent pour leurs opinions de droite et pas nécessairement sur la base d'un désir de confédéralisme. Nous surestimons le nombre de personnes qui votent pour des motifs institutionnels.
Comment comptez-vous contrer cette tendance ?
NN : Nous irons aux élections avec notre future image de la Belgique, de la Flandre, de Bruxelles et de la Wallonie. Nous voulons indiquer comment nous voyons les choses, et la structure de l’État fait partie de celà. Mais nous voulons surtout offrir une alternative au récit nationaliste de droite. Nous allons plaider pour une coopération à tous les niveaux au lieu de travailler les uns contre les autres. C’est ce qui fait notre propre force.
JV : Le débat devrait aussi porter sur le fait de savoir si nous choisissons de nous isoler ou de travailler ensemble. Nous choisissons résolument la force de la coopération.
Je pense qu'il y a aussi un deuxième défi. Notre tâche au cours de la période à venir est de rendre l’autorité fédérale encore plus performante. Nous devons prendre conscience que nous ne sommes pas encore en 2024. Nous sommes maintenant en 2023 et il reste plus de 500 jours avant les élections. Nous sommes aujourd'hui confrontés à des crises majeures, alors répondons-y et montrons que c'est possible.
Nous ne devons pas tomber dans le piège de la manipulation politique et donner ainsi aux gens davantage de raisons de penser que le gouvernement fédéral ne fonctionnerait pas aussi bien que le gouvernement flamand. Quand je vois ce qui se passe dans nos classes, où il y a une énorme pénurie d'enseignants, quand je vois les problèmes de garde d'enfants, la crise de l'eau, la mauvaise politique climatique et énergétique au niveau flamand, je pense que le gouvernement fédéral peut être assez fier de ses propres réalisations. Mais nous devons vraiment y travailler pendant les prochaines années.
NN : Nous ne pouvons rien y faire, mais le gouvernement flamand se comporte un peu comme si le confédéralisme était déjà là. Or, les gens n'ont pas voté pour un modèle confédéral. Il n’est donc pas démocratique d'agir déjà de cette manière. Il devrait y avoir plus de respect pour l’ordre institutionnel, car c'est aussi ce pour quoi les gens ont voté.
En tant que parti de coalition au sein du gouvernement fédéral, vous voulez sans doute offrir une image positive de ce fédéralisme coopératif, mais cette coopération est-elle toujours évidente ?
JV : Bien sûr, ce n'est pas toujours simple. Nous devons travailler dans le système des gouvernements de coalition, de sorte que de nombreuses voix différentes se font entendre. Sachant que certains présidents font de grandes attaques contre des ministres, ou critiquent un accord conclu au sein gouvernement parleur propre parti, il n'est pas toujours facile de travailler ensemble.
D'ailleurs, ce sont souvent ces mêmes présidents qui croient diriger le seul dernier parti pro-belge. Je pense que nous devons faire de la politique d'une manière différente. Nous devons mieux nous entendre pour restaurer la confiance dans l’autorité fédérale. Nous devons démontrer que nous pouvons écrire l'avenir ensemble.
Avec 2024 à l'horizon, Vooruit s'oriente vers la droite sur de nombreuses questions, suivant ainsi l'exemple des sociaux-démocrates danois. Qu'allez-vous faire pour que les gens adhèrent au programme de Groen ?
NN : Je pense qu'avant tout, il faut être soi-même. Sans complexe ! Nous voulons continuer à promouvoir nos idées et faire en sorte que les gens sachent plus clairement ce pour quoi nous nous battons. Nous voulons montrer comment nous faisons la différence pour les gens.
Nous voulons également continuer à nous battre pour les questions qui sont très importantes pour nous. Nous voulons que des questions comme la politique climatique restent en tête de l'agenda. Nous devons également continuer à travailler sur des thèmes sociaux, tels que les soins de santé et la lutte contre les discriminations dans la société. Ces thèmes sont les fers de lance de Groen, et nous devons les mettre encore plus en évidence.
" Nous pensons vraiment que nous partageons les mêmes valeurs à Molenbeek et à Anzegem."
Est-il difficile de convaincre tout le monde de ces idées ? Est-ce quelque chose qui plaira également aux personnes ayant une "mentalité de village" ?
JV : Je ne crois pas en une sorte de "prédestination" des gens. Je ne crois pas que certaines personnes soient plus progressistes ou tolérantes que les autres. J'obtiens personnellement 25 % des voix dans ma petite commune et les gens savent très bien que je suis un progressiste vert.
Il s'agit donc plutôt de savoir ce que l'on va faire pour eux et de quelle manière vous allez répondre à leurs défis. Il faut oser être soi-même sans complexe. Nous devons faire preuve de la même assurance dans les villages que celle dont nous faisons preuve dans le contexte bruxellois. Je crois que nous devons nous-mêmes nous affirmer beaucoup plus. Nous avons laissé le discours des autres partis nous submerger pendant bien trop longtemps.
NN : Nous pensons vraiment que nous partageons les mêmes valeurs à Molenbeek et à Anzegem. Ecolo et Groen partagent aussi les mêmes valeurs. Je l'ai dit lors de notre réception du Nouvel An. Il est normal que les accents soient différents en ville et à la campagne. Mais cela ne signifie pas que, en tant que parti, nous ne pouvons pas répondre aux questions qui préoccupent tout le monde (comme la crise énergétique).
La N-VA a également déjà clairement fait savoir qu'elle souhaitait être elle-même sans complexe d'ici 2024: ils ont récemment fait savoir que ce sera le confédéralisme ou rien pendant les futures négociations. Supposons que vous soyez également autour de la table, dans quelle mesure réagiriez-vous à cela ?
"Nous voulons entamer des discussions avec les gens pour voir comment nous pouvons travailler ensemble."
NN : L'idée du confédéralisme est diamétralement opposée à la façon dont nous voyons l'avenir de la Belgique.
Ce n'est pas l'image de l'avenir pour nous. Je ne pense pas qu'il soit vraiment intelligent de donner cela comme un engagement minimum non plus. Pendant les négociations, nous devons de toute façon arriver à un compromis, nous n'allons pas tout abandonner pour nous retrouver au gouvernement.
JV : Nous n'allons pas rester assis là et écrire ensemble la fin du pays. Nous allons avoir des discussions démocratiques avec tout le monde. Tout le monde peut sentir que sur beaucoup de sujets, ce ne sera pas évident avec la N-VA, et pas seulement lorsqu'il s'agit de la partie institutionnelle. Nous voulons entamer des discussions avec les gens pour voir comment nous pouvons travailler ensemble. Mais avec la N-VA, la conversation ne portera jamais sur la manière dont nous pouvons renforcer la coopération au niveau fédéral.
Ils sortiraient plutôt la proposition du confédéralisme, un système qui ne fonctionne nulle part dans le monde. Ils prétendent qu'ils feraient en sorte que cela fonctionne ici, mais je n'ai pas encore vu les plans élaborés pour leur confédéralisme.
Nous prônons la solidarité au-delà de la frontière linguistique, par exemple en matière de sécurité sociale. La solidarité est l'un de nos principes de base. Si nous l'abandonnons, nous ne sommes plus un parti vert.
NN : Leur question de base ne sera jamais non plus "Que pouvons-nous encore faire ensemble", mais plutôt "Que sommes-nous encore obligés de faire ensemble". Ce n'est pas notre point de départ. Nous voulons continuer à chercher comment nous pouvons bien travailler ensemble.
Quelle serait votre réaction dans le cas où le Vlaams Belang et la N-VA obtiendraient la majorité et déclareraient conjointement l'indépendance au Parlement flamand ?
JV : Je ne crois pas qu'il y ait un quelconque soutien dans le pays pour aller dans ce sens. Nous devons nous assurer que les gens comprennent ce que nous représentons, afin qu'ils n'en arrivent pas à ce choix.
NN : Je ne sais pas si la N-VA a envie d'écrire une page noire de notre histoire. Nous devons nous rendre compte que les conséquences seraient terribles. Ils abandonneraient tout simplement la population flamande.
JV : En effet, il faut savoir que cela signifierait aussi le blocage total pour tout. Cela se produirait alors également en pleine crise énergétique et climatique. Je ne pense pas qu'une refonte totale de la structure de l'État va résoudre nos problèmes. Je ne pense pas que ce serait un pas en avant.
Si vous deviez vivre dans une ville wallonne, laquelle choisiriez-vous ?
NN : Je vivrais à Liège, qui est le Bruxelles de la Wallonie.
JV : Je vivrais à Amay, car c'est la commune dont Jean-Michel Javaux est bourgmestre depuis 18 ans.