Les six réformes de l’État ont rendu les choses bien compliquées, avec des effets non négligeables pour les services au citoyen et pour le processus décisionnel. La crise sanitaire récente l'a douloureusement montré : nous avons clairement atteint les limites du morcellement de nos structures étatiques. Je plaide dès lors pour une Belgique simplifiée avec moins de niveaux de pouvoirs, moins de gouvernements et de parlements et en faveur d'une répartition claire et compréhensible des compétences, où les critères d'efficacité et de proximité seront déterminants pour désigner le niveau de pouvoir compétent. Réformer l'État ne peut être un jeu de marchands de tapis où les compétences sont attribuées au petit bonheur la chance. Une nouvelle réforme ne pourra se faire que d'une façon scientifique et objective. C'est l'opinion de Tim Vandenput, député fédéral et bourgmestre d'Hoeilaert.
NOTRE PAYS EST TROP COMPLEXE
S'il y a une chose à retenir des six réformes de l'État, c'est qu'elles ont toutes consisté en des transferts de compétences à sens unique vers régions et les communautés, et ce en générant une énorme complexité où plus personne, ni citoyens, ni entreprises, ni même monde politique, ne se retrouve. Durant la crise, il est apparu clairement que la clarté, la rapidité et l'unité de commandement étaient essentiels. On se souviendra du triste spectacle des neuf ministres de la Santé. À côté du fameux Comité de concertation qui s'est également réuni pour traiter de la crise énergétique, il n'existe pas moins de 16 conférences interministérielles. Celles-ci sont nées pour coordonner ce que l'on avait décentralisé. Il est certes louable que l'on essaye de s'entendre, mais tout cela prend un temps fou, est peu efficace et très onéreux.
Un autre exemple frappant est la problématique climatique. Si notre pays ne parvient pas à proposer un point de vue commun ni d'ambitions concrètes, c'est non seulement une mauvaise nouvelle pour la lutte contre le réchauffement climatique, mais également pour la crédibilité de la Belgique sur la scène internationale. Il y a tout simplement trop d'autorités compétentes ce qui provoque l'inefficacité.
Exemples
Voici quelques exemples concrets qui démontrent l'absurde de la situation.
Le transporteur qui amène sa marchandise d'Ostende à Arlon en passant par le ring de Bruxelles va devoir payer trois factures kilométriques régionales tarifées différemment. Ceci provoque un puzzle de tâches administratives tel qu'il a obligé plusieurs entreprises à engager un collaborateur administratif pour ce travail. Ce sont l'entreprise et le client qui supportent le coût de ce fatras inutile
Dans ma propre région, il y a la problématique des normes de bruit pour l'aéroport de Bruxelles-National. Ces normes ont été régionalisées de sorte que la Région bruxelloise applique des normes plus sévères. Les compagnies aériennes dont les pilotes suivent à la lettre les instructions du contrôle aérien vont souvent se voir infliger une amende pour le survol de l'espace aérien bruxellois. Est-il dès lors étonnant que certaines compagnies délaissent Zaventem au profit de Lille, Düsseldorf ou Paris ? Résultat des courses : pertes d'emplois et de revenus chez nous, ainsi qu'une diminution de notre position concurrentielle.
Pour les citoyens vulnérables, l'administration est devenu un écheveau épouvantable. Il suffit de voir la situation de personnes handicapées. L'autorité fédérale est en charge de la politique de revenus et allocations. Si ces personnes handicapées veulent travailler ou étudier, elles doivent toutefois faire appel aux communautés. Enfin, le traitement des plaintes pour le manque d'installations adaptées aux personnes handicapées est réservé aux régions car elles sont compétentes pour l'accessibilité des bâtiments ! Au lieu de faciliter l'accès des personnes handicapées à la vie sociale et économique, on fait exactement le contraire. Finalement peu importe quel niveau de pouvoir est compétent, pourvu que la gestion soit efficace, claire et rapide. Or, cela est impossible dans le labyrinthe actuel des pouvoirs publics.
REFéDéRALISER NE PEUT ÊTRE TABOU
Il y a plus de huit ans, j'entrais pour la première fois la rue de la Loi. Oser parler à ce moment de refederalisation aurait été considéré comme blasphématoire !
En 2015, j'ai lancé avec mon collègue MR Christophe Dister, bourgmestre de la commune voisine de La Hulpe, l'initiative «plan BE» dont l'objectif principal était l'efficacité du pays. Nous avons dès lors remis en question ce «sens unique» des régionalisations de compétences. Depuis lors, de plus en plus de personnes de divers horizons y réfléchissent. L'atmosphère d'interdit a fait place au débat et je ne puis que saluer cette évolution. Divers parlementaires dans et hors de mon parti s'y associent. Le Pacte pour la Belgique a été signé par des représentants de tous les partis belges à l'exception de la N-VA et du Vlaams Belang. Ceci tend à prouver que la préoccupation pour une Belgique plus efficace gagne du terrain et je ne pourrais pas m'associer à une septième réforme de l'État qui provoquerait de nouveaux morcellements et conflits de compétences.
MOINS DE POUVOIRS PUBLICS, PLUS D'EFFICACITÉ
Une prochaine réforme de l'État ne peut pas être une nouvelle régionalisation à sens unique mais une entreprise de simplification et de diminution de l'emprise étatique. Les structures doivent être simplifiées et rendues plus rapides et moins onéreuses. Une compétence devrait impliquer une seule autorité. Ceci mènera à moins de conflits de compétences et surtout moins d'administrations car aujourd’hui, les différents niveaux de pouvoir et administrations vivent en parallèle et font souvent du double si pas du triple travail.
Arrêtons d'utiliser les compétences comme une monnaie d'échange pendant les négociations. Ceci s'est déjà avéré à plusieures reprises néfaste à moyen terme. En tant que politiques, regardons-nous dans le miroir et réformons le système politique.
Notre pays compte 475 parlementaires, 48 ministres et 7 parlements. Aucun pays n'a plus de gouvernements et de parlements par tête d'habitant que la Belgique. Le système politique coûte globalement environ 670 millions d'euros et c'est là qu'il faut élaguer en premier lieu. La qualité doit prendre le pas sur la quantité car on pourrait très bien gérer le pays avec moins d'effectifs. Cela signifie aussi diminuer le nombre de ministres et parlementaires et, in fine, ne garder qu'un parlement fédéral et trois régionaux.
En ce qui me concerne, savoir qui est compétent pour quelle matière est moins important que de disposer d'une autorité simplifiée, plus efficace et moins chère, ceci au profit des citoyens et des entreprises. Car vous, chers habitants de nos villes et villages, n'êtes pas passionnés par la question de savoir à quel niveau vos problèmes seront réglés mais bien combien cela vous coûte et quel service vous recevez. Le soucis du meilleur service au citoyen doit être au centre des préoccupations lors de la réorganisation de notre pays.